MRA 632 p24 - Août 1992 - Jacques Delcroix

Piper J3, histoire d'un record

Le Piper J3 "Maquette 66" de Jacques Delcroix

Construit en juin/juillet 1979, le piper J3 66 cm a effectué ses premiers vols début septembre à Montargis–Vimory. Après quelques petits "sauts de puce", de beaux vols étaient effectués au ras des marguerites avec un écheveau visiblement un peu faible. Cependant les 50 secondes étaient déjà dépassées.
Quelques réflexions à tête reposée, permettaient de décider quelques modifications mineures (quoique l’avancement du centre de gravité ne constitue plus pour moi une modification mineure) : avancement du centre de gravité ; légère augmentation de la différence d’incidence entre l’aile et le stabilisateur ; légère augmentation de l’angle piqueur (vers le bas) de l’axe d'hélice.
Nous arrivons à un merveilleux après-midi sans vent : le 26 septembre, démonstration pour l’entreprise IBM, sur l’aérodrome de Saint-Denis-de-l’Hôtel. La section de l'écheveau moteur a été augmentée : 22 mm² de section sur 50 cm de long, qui peuvent emmagasiner 800 tours sans éclater. Les progrès sont évidents : la montée est franche et l’appareil atteint allègrement 25 à 30 m en 40 secondes ; l'hélice se met en roue libre une fois les derniers tours de l'écheveau dévidés. Le vol est d’une réelle lenteur et paraît étonnamment réaliste. Il est vrai que l’appareil ne fait que 65 g. dont 10 de caoutchouc et 10 environ de lest dans le nez. Le record du modèle est porté à une minute 32 secondes.
Vient la coupe d’hiver du Val de Loire, en mars 80. L’appareil fait une belle démonstration de ses possibilités, mais est le seul à voler dans sa catégorie. Le temps pourri des jours précédents à décourager les spécialistes de venir participer…
La première manche du challenge D'Huc Dressler, à Montargis-Vimory, le 27 avril, verra un superbe vol d'essai (non chronométré officiellement) de trois minutes 38 secondes. Les vols officiels sont plus modestes, l’appareil fait quatrième de cette première manche. Comme mon Citabria se classe en tête, je n’en conçois aucune amertume…
Deuxième manche du challenge D'Huc Dressler le 25 mai. La veille, un vol de contrôle s’est soldé par un chrono très concluant de trois minutes 17 secondes, inutile de rien toucher ! La météo est exceptionnelle en ce lundi de Pentecôte : ciel bleu, vent nul ce qui pose des problèmes pour le "treuillage" de certains planeurs à crochet avant. Le Piper n’est pas concerné… Le Citabria vient d’ouvrir la voix avec un vol étonnant de sept minutes et 19 secondes… Sans se déporter de plus de 300 m pour atterrir, l’appareil étant réglé en virage un peu serré.
Remontage de l'écheveau du Piper (sur le pied de remontage), coup d’œil alentour pour apprécier les conditions aérologiques. L’ascendance n’est pas encore là… On consulte la fumée d’une cigarette, une bande de mylar accrochée au bout d’une canne à pêche. Très léger, le mylar se soulève quand l'air devient plus porteur… C’est parti !
La première impression n’est pas extraordinaire mais tout à coup l'ascendance est bien là ! Stable, locale, "monumentale". Bien après les 40 secondes de montée normale, le piper continue à grimper.. À grimper ! Il suffit de marcher pour rester en dessous ! Mais voilà qu’il paraît de plus en plus petit, les jumelles n’y font rien ! Je le perdrai de vue entre 21 et 22 minutes. Au poste du chronométrage, on l’a suivi 16 minutes et 33 secondes (993 secondes, c’est long). Nouveau record de la catégorie. Il est perdu, pourtant il est là… Je l’ai refait avec un "déthermaliseur" et plus léger 12 grammes. Ce système l’a déjà sauvé d’une perte sûre le 14 septembre 1980, car l’ascendance était là plus violente encore.

Une maquette 66

C’est dans la fin des années 1970, que Christian Menget a eu l’idée de créer la catégorie Maquette 66 (66 pour 66 cm d’envergure maximale, soit deux fois l’envergure de la formule Peanut Scale dite aussi cacahuète). Avantage : nombreux plans disponibles qu’on obtient en doublant les plan de 33. Pour voler longtemps, il fallait fermer les yeux sur un agrandissement de l'hélice (diamètre limité à 22 cm).
Pour voler sans radiocommande, il fallait un minimum de stabilité et Christian Menget a choisi de limiter le dièdre à 4 cm. Un agrandissement discret du stabilisateur a été adopté sans modification de la structure.

Méthode de construction : conseils ici.

Le piper J3, en maquette 66

Comme dans tous les avions à propulsion par moteur élastique, les problèmes ne sont pas minces. Le moindre n’est pas de trouver un réglage qui permette la surpuissance du couple maximal, sans acrobatie tout en planant de façon stable, même dans l’ascendance.
Pour ce, j’ai adopté le même réglage que je commençais à mettre au point avec les cacahuètes : le virage à la montée, comme au plané, se fait par un vrillage différentiel sur l'aile gauche et la droite et à l’axe moteur. Virage et plané se font à droite, les deux ailes sont légèrement vrillées négativement, plus négativement pour l’aile gauche extérieure au virage. Ceci permet de conserver un rayon de virage constant avec la dérive braquée comme pour tourner… À gauche. Mais au plané aussi, le virage se fait à droite, l’importance des vrillages d'aile est prépondérante.
Le piper ne traîne pas autant qu’on pourrait le croire. Son maître couple est faible (biplace en tandem). Son allongement est supérieur à celui de beaucoup d’appareils de cette époque. Seule restriction le modèle réduit comme le vrai se pilote et ne vole pas tout seul. Les largesses lors de la création de la formule 66 (dièdre autorisé, stabilisateur, discrètement agrandi) se révèlent suffisantes pour assurer avec le vrillage différentiel des ailes, une stabilité de route remarquable en air calme, comme un air turbulent. Encore faut-il que le centrage et le calage soient parfaitement respectés. Se souvenir que la légèreté garantit un vol lent parfaitement réaliste…

Piper J3 maquette 66

Le plan du Piper J3 CUB Maquette 66 de Jacques Delcroix a été aussi publié dansVOL LIBRE n°23